Du ruthénium-106 a été détecté dès fin septembre 2017 par plusieurs laboratoires européens de mesure de la radioactivité dans l’atmosphère, dont l’OFSP.
Le ruthénium 106 n’étant pas détecté dans l’air en temps normal, sa présence ne peut être liée qu’à un rejet non maîtrisé. L’absence de tout autre radionucléide artificiel conduit à écarter l’hypothèse d’un rejet issu d’un réacteur nucléaire. En revanche, un tel rejet pourrait résulter d’une activité de retraitement de combustibles nucléaires usés ou d’une activité de production de sources radioactives. Cependant, aucun pays n’a, à l’heure actuelle, déclaré à l’AIEA être à l’origine de ce rejet.
L’office fédéral allemand de radioprotection (BfS) ainsi que l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) ont effectué des simulations pour reconstituer le rejet à partir des centaines de résultats de mesures observés. Les calculs effectués indépendamment par les deux instituts arrivent aux mêmes conclusions, à savoir que la zone de rejet la plus plausible se situe au sud de l’Oural sans qu’il ne soit possible, avec les données disponibles, de préciser la localisation exacte du point de rejet (voir carte de l’IRSN). Par ailleurs, pour la zone de rejet la plus plausible, la quantité de ruthénium-106 rejetée estimée par les simulations de l’IRSN est très importante, comprise entre 100 et 300 térabecquerels. Plus d’informations sur le site de l’IRSN (version courte du rapport disponible uniquement en français, rapport complet en anglais).
Du fait des quantités rejetées, les conséquences d’un accident de cette ampleur en France (ou en Suisse) auraient nécessité localement de mettre en œuvre des mesures de protection des populations sur un rayon de l’ordre de quelques kilomètres autour du lieu de rejet. Un dépassement des niveaux maximaux admissibles dans les denrées alimentaires (1’250 Bq/kg pour le ruthénium-106) serait quant à lui observé sur des distances de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres autour du point de rejet. Toutefois, suite aux investigations menées par l’OFSP en collaboration avec l’OSAV, le canton de Bâle-Ville et les douanes, il apparait que la probabilité d’un scénario qui verrait l’importation en Suisse de denrées alimentaires contaminées par du ruthénium-106 à proximité de la source de rejet est extrêmement faible et, d’autre part, que le risque sanitaire potentiel lié à ce scénario est lui aussi très faible. Il n’apparait donc pas nécessaire de mettre en place des contrôles systématiques des niveaux de radioactivité de denrées alimentaires importées en Suisse en provenance du Sud de l’Oural.
En Suisse, la surveillance de la radioactivité dans l’air effectuée par l’OFSP avait révélé la présence de traces de Ruthénium-106 à Cadenazzo, au Tessin. Dans les filtres aérosols exposés entre le 25.09 et 02.10.2017 la concentration de Ruthénium-106 s’élevait à 50 micro-Bq/m3. La concentration a alors augmenté pour atteindre 1’900 micro-Bq/m3 pendant la période allant du 02.10 au 03.10. Par la suite, les concentrations ont baissé : entre le 03.10 et le 04.10 la concentration s’élevait encore à 480 micro-Bq/m3, puis à 466 micro-Bq/m3 pour la période allant du 04.10 au 05.10 et à 320 micro-Bq/m3 entre le 05.10 et le 06.10. Depuis le 7.10 le Ruthénium-106 n’est plus détectable dans l’air au Tessin.
La concentration maximale de Ruthénium-106 mesurée dans l’air à Cadenazzo, soit 1’900 micro-Bq/m3, est restée 350 fois inférieure à la limite d’immissions dans l’air fixée pour ce radionucléide dans l’Ordonnance sur la radioprotection(ORaP). Il n’y a par conséquent aucun risque pour la santé de la population. Aucune trace de Ruthénium-106 n’a par ailleurs pu être décelée dans l’air dans les autres stations de mesures de Suisse, situées au Nord des Alpes, au cours des mêmes périodes. Le laboratoire cantonal du Tessin a également prélevé des échantillons d’herbe à Cevio, Mezzovico et Prato Leventina le 04.10.2017. Dans ces échantillons, les concentrations en Ruthénium-106 sont restées inférieures à la limite de détection : il n’y a donc pas eu de contamination des denrées alimentaires.
Les concentrations mesurées dans de nombreux pays de l’Est et du Sud de l’Europe, comme l’Italie, l’Autriche ou la République Tchèque ont été généralement supérieures à celles enregistrées en Suisse, avec par exemple une valeur de 40’000 micro-Bq/m Aucune valeur supérieure à la limite d’immissions définie dans l’ORaP pour le Ruthénium-106 dans l’air n’a été rapporté en Europe.
Le 21 novembre 2017 le service météorologique russe a annoncé avoir également mesuré des valeurs plus élevées de Ruthénium-106 sur le territoire russe; les valeurs publiées sont comparables à celles enregistrées en Pologne et ne permettent pas d’éclaircir l’origine du rejet qui reste toujours inconnue.
Le Ruthénium-106 est un élément radioactif d’une demi-vie de 373.6 jours. Il est utilisé par exemple en médecine pour le traitement par irradiation des tumeurs de l’œil. Une autre application, plus rare, du Ruthénium-106 est son utilisation dans des générateurs thermoélectriques à radioisotope qui servent par exemple à l’alimentation en électricité des satellites.
L’OFSP surveille en permanence la radioactivité dans l’air (mesures de traces) et publie les résultats des mesures sur www.radenviro.ch dès qu’ils sont disponibles.