Il y a 31 ans (2017), l’accident de Tchernobyl entraîna des rejets radioactifs considérables dans l’atmosphère. Les particules radioactives transportées dans les masses d’air atteignirent toute l’Europe sans épargner la Suisse où, sous l’effet de la pluie, des dépôts de radioactivité très hétérogènes furent alors mesurés. La caractérisation de la situation dans les différents compartiments environnementaux (sols, végétaux et denrées alimentaires) et dans le corps humain ainsi que le suivi de son évolution dans le temps se sont avérés essentiels pour guider les pouvoirs publics dans la mise en œuvre de mesures de protection et pour fournir à la population une information adaptée à ses demandes et besoins (OFSP, 1986). Les résultats et enseignements publiés en 2006 (OFSP, 2006) restent valables aujourd’hui à l’image de la contamination durable qui est encore mesurable 30 ans après l’accident comme le montre la figure ci-dessous. Les mesures effectuées au cours des dernières années confirment dans leur ensemble les résultats et les tendances publiées dans le rapport 2006. A noter le cas particulier des sangliers du Tessin qui peuvent aujourd’hui encore présenter des valeurs de césium-137 atteignant plusieurs milliers de Becquerel par kilogramme. Ces valeurs sont mêmes en augmentation par rapport à 2006, raison pour laquelle les sangliers chassés dans ce canton font l’objet d’un contrôle systématique par le Service vétérinaire cantonal depuis 2013. Cette situation particulière s’explique par le fait que le césium avec le temps migre lentement en profondeur dans le sol, il peut alors être capté par une espèce particulière de champignon, nommé truffes de cerf, qui pousse à une dizaine de centimètres de profondeur et qui a la particularité d’accumuler le césium. Ces champignons sont non comestibles pour l’homme mais les sangliers en sont friands. En 2015, une activité record de 9’900 Bq/kg de césium-137, soit près de 8 fois la valeur limite fixée dans l’OSEC pour ce radionucléide dans les denrées alimentaires, a ainsi été enregistrée dans la viande d’un animal chassé au Tessin. Comme tous les autres sangliers présentant un dépassement de la valeur limite (3 à 5 % des animaux chassés), cet animal a été confisqué par le vétérinaire cantonal.
Les mesures des échantillons de l’environnement effectuées avant l’accident de Tchernobyl indiquent une faible contribution artificielle à l’exposition externe du public attribuable au césium-137 provenant de la retombée des essais nucléaires des années 60 ; on constate une augmentation drastique de cette composante consécutivement aux dépôts des particules radioactives issues de Tchernobyl en mai 1986 ; on observe ensuite une diminution progressive de cette contribution durant l’été 1986 qui s’explique par la décroissance des radionucléides de courte période ; par la suite le recul de la contamination s’avère plus lent en raison de la période plus longue des isotopes du césium, en particulier le césium-137 (30 ans) qui reste encore détectable aujourd’hui.
En Suisse, l’organisation de prélèvements et de mesures a permis à l’époque de disposer rapidement de résultats à l’origine des mesures de protection et des recommandations visant en particulier à éviter l’exposition de la thyroïde chez les enfants. La dose effective moyenne accumulée par la population consécutivement à la catastrophe de Tchernobyl a été estimée à 0.5 mSv, avec des valeurs pouvant atteindre jusqu’à 5 mSv pour les personnes les plus exposées qui n’auraient pas suivi ces recommandations (OFSP, 1987). Cette dose, majoritairement due à la consommation de denrées alimentaires contaminées dans les premiers mois après l’accident, n’a pas conduit à une mise en évidence de conséquences sanitaires pour la population en Suisse. Néanmoins, une estimation théorique du nombre de décès supplémentaires par cancer en Suisse suite à l’exposition de la population associée à l’accident de Tchernobyl peut être réalisée à l’aide du facteur de risque de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR). Cette estimation, basée sur une extrapolation linéaire des risques depuis les doses élevées vers les faibles doses, qui est généralement admise comme prudente, conduit à 200 décès additionnels par cancer en Suisse consécutivement à l’accident. Une telle augmentation peut cependant difficilement être décelée et confirmée à l’aide d’outils épidémiologiques sachant que chaque année 16’000 personnes meurent du cancer en Suisse, soit 480’000 depuis 1986. A l’échelle mondiale, les mises à jour de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2006) et de l’United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations (UNSCEAR, 2008) restent aujourd’hui les publications de référence concernant l’impact sur la santé de l’accident de Tchernobyl. .
30 ans après Tchernobyl, un accident est toujours possible comme l’ont montré les événements au Japon en 2011. Les systèmes de surveillance de l’air de haute sensibilité dont dispose aujourd’hui l’OFSP ont permis de mettre en évidence les traces des rejets de Fukushima dont les niveaux ont été environ 1’000 fois inférieurs à ceux observés lors de Tchernobyl. Par ailleurs, suite à l’accident survenu au Japon, la Suisse a comblé une lacune dans son dispositif de surveillance avec la mise en service en 2015 du nouveau réseau automatique de mesure de la radioactivité des eaux de rivière « URAnet aqua », exploité par l’OFSP (résultats disponibles en ligne à l’adresse www.radenviro.ch). La rénovation du réseau automatique de mesure de la radioactivité dans l’air (anciennement RADAIR, qui prendra le nom de URAnet aero), est également en cours et devrait être achevée en 2018. La Suisse disposera alors de réseaux de surveillance performants, correspondant à l’état actuel de la technique et permettant de détecter de très faibles augmentations de la radioactivité et de donner l’alerte.